Mon chien m’a dit...
que je ne sentais rien ! En ce sens il
a un peu raison ; Mais je me sais bien content de ne pas savoir
différencier toutes les odeurs qui m’entourent. Dans un jardin, tant de parfums
mélangés me tourneraient la tête, et dans le métro c’est la nausée qui me
gagnerait.
Mon chat m’a dit que je n’entendais rien ! En ce sens il
a un peu raison ; Mais je me sais bien content de ne pas avoir à subir tous les
bruits qui m’entourent. Dans un jardin, tous les bourdonnements m’abrutiraient,
et dans le métro, tant de bruits incongrus m’insupporteraient.
L’aigle m’a dit que je ne voyais rien ! En ce sens il a
un peu raison ; Mais je me sais bien content de ne pas avoir à trop regarder
dans les moindres détails. Dans un jardin, toutes les images se brouilleraient
sans surprises à venir, et dans le métro, tâches et crasse me répugneraient.
Le cheval m’a dit que je n’ai pas le goût bien
développé ! En ce sens il a un peu raison ; Mais je me sais bien content
de ne pas savoir détecter toutes les saveurs. Dans un jardin, les goûts de compost
se mêleraient trop à ceux du fruit, et dans le métro mon pain au lait serait
immangeable !
La taupe m’a dit que je n’ai pas le toucher bien
développé ! En ce sens elle a un peu raison ; Mais je me sais bien
content de ne pas ressentir tout ce que je touche. Dans un jardin, trop
d’épines et de rugosités me blesseraient, et dans le métro bien des sensations
me feraient blêmir d’angoisse.
Insensible ! Serais-je donc insensible ? C’est
insensé.
Alors, j’ai réuni mon chien, mon chat, l’aigle, le cheval et
la taupe, et je leur ai demandé « êtes-vous capable de vous aimer
les uns les autres ? ». « S’aimer comment, comme chien et chat ?»
questionna le chien, puis le chat, puis le chien, PUIS le chat, PUIS le CHIEN,
PUIS LE CHAT, PUIS... « STOP ! Non, s’aimer comme moi je vous
aime » répondis-je.
« Et tu nous aimes comment ? Comme moi j’aime la
taupe » interrogea l’aigle. « Mais moi aussi j’aime la taupe »
rétorqua de suite le héron, « celle là je vais d’ailleurs me la
faire ». « Non, moi » cria le chat. « Pas du tout, elle est
pour moi » renchéri le chien alors que le cheval pensait « moi
je m’en moque, je marche dessus ! ». Et tandis que tremblait terrorisée
la taupe, je dû intervenir d’un « ARRETEZ ! Je ne vous parle pas de
manger, mais d’aimer d’amour ». « Ah… tant mieux pour moi, tu m’as
fait un peu peur quand même sur ce coup là » marmonna le cheval. « Bon,
toi le canasson, je ne t’ai pas demandé d’en rajouter. En plus je suis
végétarien comme toi, alors bon ! » ; La colère commençait
vraiment à m’envahir, et je me rattrapais bien vite d’un « Donc, j’en
déduis que vous ne savez pas vous aimer entre vous ! ».
La taupe, petite mais résolue s’aventura d’un timide «
oui, mais beaucoup d’hommes ne m’aiment pas ! Et en plus, la plupart des
humains ne s’aiment pas entre eux ! ».
Tandis que quatre paires d’yeux se mirent à gonfler, subitement rivés sur la
taupe, et prêts à la fusiller du regard, voire à la dévorer et pas que des
yeux, j’affirmais d’un coup tranché
« OUI, TU AS RAISON. Tu as parfaitement raison. Vois-tu, petite taupe, l’homme est certainement de nous tous animaux
celui qui a la chance d’avoir des capacités incroyables. Le plus grand de nos
sens, le plus développé, c’est celui que nous pouvons donner à notre vie, à la
vôtre, à tout ce qui nous entoure. Observer, comprendre, aimer, penser, écrire,
chanter, méditer, élever sa conscience, faire preuve d’humilité, s’émerveiller,
danser… tout ça en le sachant ! Pleurer aussi de ne pas avoir su assez
tôt ou d’avoir ignoré! Nous avons
des pouvoirs incroyables, fabuleux, extraordinaires, seuls, à deux, en société,
en humanité… nous pourrions les avoir ! Mais nous ne savons pas. Nous ne
savons rien de tout ce que nous sommes capables de faire de beau, de bien, de
bon et d’incroyable. Cette incroyable faculté qui est en nous ne nous sert à
rien, sauf à engendrer
- des cruels qui usent de leurs forces ou de leurs pouvoirs pour détruire,
- des cyniques qui critiquent ou se marrent sans rien faire,
- des dingues qui s’inventent des mondes de héros et de pouvoirs absurdes,
- des fatigués qui se suicident les yeux fermés, mal aveuglés,
- des auto-esclaves qui se soumettent à des puissances qu’ils créent,
- des allumés qui s’illuminent à coup de Mort subite ou de Pavot,
- des déconnectés qui vivent dans le virtuel en mode PlayStation,
- des oubliés qui survivent ou crèvent dans la fange,
- des cro-magnoïdes qui avancent à reculons en pleurant les grottes et les mammouths,
- des pervers qui se jouissent dessus à se voir épinglés sur les murs des autres,
- des dézingués de la toiture qui attendent demain sans même avoir vécu aujourd’hui,
- des phobiques de la nature qui ne connaissent que le béton et le bitume,
- des aliens qui se font charcuter la gueule et les seins pendant que d’autres crèvent de faim,
- des désorientés du cycle qui vivent la nuit et dorment le jour,
- des sauveurs qui sauvent leur monde nanoscopique de leurs bonnes actions,
- des prophètes qui, en bons parasites, vivent aux dépens de ceux qui les écoutent,
- des nombrilo-narcissiques qui n’ont jamais rien admiré d’autre que leur nombril… et des narcisses !
mais tu as raison, petite taupe, bien peu de gens savent vivre
simplement et simplement aimer et respecter ; si peu savent regarder dedans eux
pour comprendre ces immenses facultés
que les millénaires de l’évolution leur ont permis d’avoir.
Si la vie est déjà une incroyable merveille, et en ce sens
très hautement respectable qu’elle fût vie d’algue ou vie de dauphin, peut-il y
avoir plus grand pouvoir que celui de penser et agir en conscience, et plus
grande intelligence que de bien savoir le faire ? Alors… cheval, chien,
aigle, chat, taupe, effectivement l’homme n’est pas très bon pour sentir, pour
voir, pour entendre, pour goûter. C’est un peu mieux pour le toucher. Il a en
lui des facultés immenses et des pouvoirs extrêmement développés. Il serait le
super-héros qu’il cherche tant à être s’il savait, s’il cherchait à savoir. Mais
là où il pourrait être le meilleur il ne l’est pas».
« Pourquoi ? » vibra la penta-voix.
Je songeais un instant avant de répondre triste « Peut-être
que la part de l’animal qui reste en l’homme est encore beaucoup trop forte. Il n’a pas envie
non plus d’être meilleur ; C’est tellement plus facile de parler d’amour
que d’aimer ! Manger, boire, dormir, baiser, s’amuser offrent bien plus de
satisfaction que de réfléchir à le faire en conscience dans le respect des
autres, de la vie et de la Terre. Ça demande moins d’effort en plus, et mieux
vaut être bien servi seul que d’être servi un peu à plusieurs. Vous, vous
ne savez pas aimer les autres, encore que, mais vous ne savez pas que vous
n’aimez pas. Nous si. Alors je ne suis pas un super-héros, nous ne sommes pas
des super-héros. Les super-héros, pour l’instant… c’est encore vous ».
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