13 juin 2012

Mundi sine memoria


Me souvenir encore qu’il fût un temps où la mémoire inondait mes pensées…
Me souvenir encore, encore un peu, un peu encore, avant de me laisser happer
Par l’inconnu d’un monde aux souvenirs batailleurs, anarchiques et insensés. 
Las de me souvenir que les souvenirs m’échappent,  je me laisserai porter 
Par la folie enfin, dont Erasme en fit l’Eloge avec virtuosité.

Peur aujourd’hui d’être regardé  avec la compassion de ceux qui, à tord,
Ne sauraient se souvenir de moi que d’un temps où je me souvenais encore...
Etrangers à ma mémoire, demain je les regarderai sans aucun remords.
Etranger à moi-même sans le savoir, sans peur j’irais sans mémoire, alors
Ignorant d’un temps ou la mémoire inondait mes pensées d’un parfait accord

- « Papa, c’est toi qui a écrit cela ? »
- « Quoi donc ? Et qui êtes vous d’abord »
- « Mais papa ! Je suis ta fille, TA FILLE ! Regarde, voici maman, voici ta femme. Tu l’as aimé, tu l’as tellement aimé»
- « Ma fille ? Non, je ne pense pas ! Elle, oui, je l’ai vu ; hier je crois. Et laissez-moi d’ailleurs maintenant, laissez-moi avec elle. Dites-lui de me raconter encore l’histoire… l’histoire de celle qui dit un jour m’avoir aimé, je crois ».
-« Papa, s’il te plaît, juste une fois…  s’il te plait, souviens-toi de moi encore… Papa ! PAPA ! »

Un monde inconnu s’ouvre à moi, je suis comme un nuage dans l’infini du ciel.
Point de terre, point de repère, juste quelques brumes dans cet espace carentiel 
Il ya des odeurs, des couleurs, des caresses, impressions nouvelles, sensorielles.
Qu’ont-ils donc ces visages changeants à douter de mon bien-être existentiel ?
Ignorants de mon monde, hermétiques à  mon univers, je leur suis démentiel.

- « dites moi, madame, c’est quoi un souvenir ? »

1 commentaire:

  1. Très beau texte Jean-Luc. La triste réalité pour beaucoup de familles malheureusement. J'espère ne pas avoir à le vivre...

    Bonne Année en santé à vous!
    Bises, Louise xx

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